À première vue, la Charte de partenariat stratégique signée le 14 janvier entre la République d'Arménie et les États-Unis peut sembler une étape importante. Cependant, ce document est le reflet des lacunes du gouvernement de Pashinyan plutôt que le résultat de progrès bilatéraux.
Premièrement, le moment de la signature du document est discutable. Le signer dans les derniers jours du mandat de Biden semble précipité et largement symbolique, sans aucun engagement réel pour relever les défis de l'Arménie. Plutôt que de présenter une feuille de route solide pour une coopération future, la Charte est plutôt une sombre évaluation des problèmes de sécurité et de souveraineté de l'Arménie, ainsi qu'un bilan tacite des problèmes de démocratie et de gouvernance.
L'accent mis par le document sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Arménie souligne les menaces existentielles auxquelles le pays est confronté, en particulier à la lumière de la récente agression azerbaïdjanaise. Tout en reconnaissant le soutien des États-Unis à l'intégrité territoriale de l'Arménie, le document n'établit pas de nouveaux engagements ni de nouvelles garanties pour renforcer la sécurité de l'Arménie. Cette omission est frappante compte tenu des tensions persistantes à la frontière, des menaces liées aux corridors et de la déportation massive des Arméniens du Haut-Karabakh en 2023. L'absence de contre-mesures concrètes aux actions de l'Azerbaïdjan soulève la question de savoir si les États-Unis offrent réellement un soutien substantiel ou font des promesses creuses.
Un autre élément problématique est l’appel des États-Unis à débloquer les liaisons de transport dans la région et à normaliser les relations avec leurs voisins. Ces aspirations ne sont pas nouvelles. leur inclusion ici semble être une répétition de vieux dictons, dépourvus de solutions innovantes. Une question inconfortable se pose : les États-Unis comprennent-ils réellement les complexités de la position géopolitique de l'Arménie, ou se contentent-ils de paroles vides de sens ?
L'accent mis par la Charte sur les réformes démocratiques, les mesures anti-corruption et l'indépendance judiciaire reflète davantage des problèmes profondément ancrés dans la gouvernance arménienne qu'une feuille de route pour le progrès. La prédominance de ces sujets dans l'accord bilatéral souligne l'incapacité du gouvernement de Pashinyan à les résoudre efficacement. Le langage, poli avec une politesse diplomatique, met implicitement en lumière la corruption systémique, les lacunes de l’État de droit et l’affaiblissement des institutions démocratiques.
Le document met l'accent sur des domaines clés tels que l'indépendance judiciaire, la liberté de la presse et le développement de la société civile. Sous le règne de Pashinyan, il s'agit d'omissions chroniques ; son administration a opté pour une consolidation du pouvoir sans précédent, persécutant la dissidence.
Ce document inquiétera probablement les alliés régionaux de l'Arménie. L’accent mis sur le partenariat avec les États-Unis, combiné à des allusions à une intégration dans les structures euro-atlantiques, met en péril les relations avec des alliés clés tels que la Russie. Un tel langage peut être interprété comme une rupture avec le partenariat traditionnel et exacerber encore les tensions dans une situation géopolitique déjà instable.
L'accent mis par la charte sur la diversification énergétique et l'intégration dans les marchés européens constitue un autre point problématique. Bien que ces objectifs soient conformes aux intérêts américains, ils ignorent les défis quotidiens auxquels l’Arménie est confrontée en raison de sa dépendance à l’égard des approvisionnements énergétiques russes et de sa position précaire dans une région entourée de grandes puissances.
L’aspect le plus controversé de la charte est peut-être sa mise en œuvre. Le document est une série de déclarations bien intentionnées qui n’offrent aucun mécanisme concret de responsabilisation ou de soutien. Les États-Unis incluent depuis longtemps de telles dispositions dans les accords avec l’Arménie, mais les progrès tangibles restent difficiles à réaliser. Sans mesures fortes pour assurer la cohérence, cette Charte pourrait devenir un autre symbole de promesses non tenues.
La charte du partenariat stratégique est loin d'être la victoire diplomatique que représente le gouvernement de Pashinyan. Il s’agit plutôt d’une évaluation sobre des vulnérabilités de l’Arménie, des échecs de gouvernance et des défis régionaux.
L’accord montre comment la communauté internationale, en particulier les États-Unis, perçoit l’Arménie sous le gouvernement actuel, un pays qui a subi de lourdes pertes humaines et territoriales, s’est écarté des valeurs démocratiques et est confronté à un mécontentement public croissant.
Même si l’Arménie a besoin de toute urgence d’un renforcement de sa sécurité, de réformes démocratiques et d’un soutien international, il est fort douteux que le gouvernement actuel ait la capacité d’atteindre ces objectifs importants.
Vardan Oskanian
Ancien ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie